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Pour les médecins conseils experts.

Il  convient de rappeler le rôle de chacun des deux intervenants au processus de réparation du dommage corporel, c’est-à-dire celui du (des) médecin(s) chargé(s) d’évaluer le dommage et celui des juristes qui concourent au processus d’indemnisation des postes de préjudice découlant de ces dommages.

Cette distinction est primordiale pour permettre aux médecins chargés d’examiner la victime d’un accident à l’origine des dommages de bien réaliser leur mission.

En effet, celle-ci devra porter exclusivement sur les aspects soumis à évaluation et sans référence indemnitaire.

Dans ce guide seront étudiées les différentes étapes de l’expertise, de la mission à l’envoi du rapport  suivant l’examen de la victime.

Il convient en premier lieu de rappeler que l’expertise est un acte technique spécifique qui ne s’improvise pas. Elle doit être, tout au long de sa réalisation, imprégnée du principe du contradictoire qui doit être respecté dès la première prise de contact avec la victime jusqu’à la rédaction du rapport d’expertise et son envoi en passant par l’examen clinique, la discussion en fin d’expertise et ce quel que soit le cadre, amiable ou judiciaire, dans lequel se situe l’expertise.

L’expert devra être aussi particulièrement attentif au respect du secret professionnel, et donc plus spécifiquement du secret médical (état antérieur, pièces médicales, envoi du rapport…)

La mission d’expertise.

La mission d’expertise doit systématiquement être jointe à la lettre de missionnement quelle que soit l’origine de la mission.

Acceptation de la mission.

L’acceptation de la mission suppose que le médecin-conseil en ait pris connaissance, ait veillé à ce que cela ne génère pas de conflit d’intérêt et qu’il ait la compétence pour réaliser l’expertise.

L’expertise a ses limites qui reposent essentiellement sur la compétence de l’expert, sur  la connaissance de l’atteinte présentée et des blessures qui font l’objet de l’expertise ou la connaissance de la spécialité reconnue qui est celle dans laquelle s’inscrit l’expertise.

Il convient également que l’expert ait une compétence médico-légale spécifique afin de pouvoir procéder à l’évaluation des dommages que la mission lui demande. En effet, l’appel à un sapiteur ne peut pas suffire à faire accepter une mission si aucun des éléments de celle-ci ne peut obtenir une réponse par l’expert sans l’aide de ce sapiteur.

 

La lettre de prise de contact avec la victime par le médecin.

Cette prise de contact avec la victime doit obéir, en particulier pour les expertises judiciaires et celles demandées dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985, à un certain nombre de règles.

Ce courrier étant souvent le premier contact de la victime avec le médecin, sa rédaction doit refléter la qualité de l’accueil que la victime est en droit d’attendre.

Ce courrier doit être ressenti comme une demande d’examen médical suite à une mission se situant dans un cadre précis et non pas comme une contrainte.

Cette lettre de proposition de rendez-vous doit préciser :

-les titres et compétences du médecin sans qu’il y ait nécessairement la référence à une appartenance à une liste d’experts judiciaires si ceci n’est pas le cadre de la mission ;

- la raison de la mission ;

- son origine ;

-la nécessité de se munir de tous les documents médicaux nécessaires, relatifs au dommage en cause, en indiquant la manière dont il est possible d’obtenir son dossier médical depuis la loi du 4 mars 2002 (soit directement, soit par l’intermédiaire d’un médecin qui ne peut pas être le médecin conseil expert) ;

-la possibilité pour la victime d’être assistée par un médecin, et d’être également accompagnée d’une personne de son choix.

Après avoir proposé une date et une heure de rendez-vous, il est nécessaire d’indiquer les disponibilités du secrétariat de l’expert pour éventuellement modifier ce rendez-vous ou répondre aux questions que la victime peut se poser. En outre, il est recommandé de préciser comment se rendre sur les lieux de l’expertise.

Enfin, l’expert joindra, à sa lettre de prise de contact, la mission qui lui aura été adressée pour que la victime puisse en prendre connaissance.

Le lieu de l’expertise.

Le lieu de l’expertise sera déterminé en fonction de la nature de l’expertise elle-même, mais également du handicap présenté par la victime au moment de l’expertise, et sa possibilité ou non de se déplacer.

Dans les cas les plus fréquents, l’expertise a lieu au cabinet de l’expert, cabinet médical dont l’installation doit être convenable. Les locaux doivent permettre d’une part le respect du secret professionnel, et d’autre part l’accès à un fauteuil roulant ou à des personnes se déplaçant avec un handicap physique. Il est indispensable que ce cabinet médical soit suffisamment vaste pour permettre de réunir les parties ainsi que leurs assistants ou représentants.

L’expertise aura lieu au domicile de la victime ou sur son lieu de vie, dans le cas où celle-ci ne pourrait se déplacer ou s’il s’agit pour l’expert d’étudier les difficultés rencontrées au regard de ce lieu de vie.

Si la victime est encore en milieu hospitalier, le médecin aura, au préalable, recueilli l’accord de la personne qui va être examinée et/ou celui de sa famille et/ou celui de son représentant légal, selon les cas. Il devra aussi informer le chef de service de sa venue pour qu’il puisse, avec l’accord express des personnes citées ci-dessus, fournir tous éléments médicaux nécessaires à l’expertise.

Dans le cas d’une expertise à domicile, ou dans le cas de séquelles à l’origine de lourd handicap, il est très souhaitable qu’un médecin assiste systématiquement la victime, et que le médecin conseil explique les raisons de sa venue et quelle est sa mission exacte dont il aura, auparavant, envoyé un exemplaire à la victime.

Introduction.

L’expertise étant un acte technique très spécifique, l’expert devra bien entendu respecter tous les articles du code de déontologie sur la moralité, la probité et le dévouement, dont la dignité de la personne examinée. À ce titre, il conviendra que l’expert ait une attitude correcte, neutre et attentive envers la personne examinée et que, avec ses confrères présents, il se garde de toute familiarité, attitude qui risquerait de mettre en doute son objectivité.

En effet, le médecin doit avoir à l’esprit que pour une victime l’expertise est toujours une épreuve car elle éveille un vécu traumatique qui n’a pas toujours été bien assumé, assimilé. Cette expertise ne doit donc pas être une nouvelle épreuve mais un moyen d’exprimer ses doléances, son ressenti et le vécu de son traumatisme.

Le médecin veillera, tout au long de sa mission, à s’exprimer en langage clair et précis avec un vocabulaire accessible, en fournissant si nécessaire les explications, et s’assurera de la compréhension de la victime et des personnes qui l’accompagnent.

Présentation du déroulement de l’expertise.

L’expert devra rappeler quelle est sa mission en quelques mots quant à sa nature mais aussi son origine et expliquer le déroulement de ses opérations.

Les personnes présentes.

 Il lui faudra ensuite prendre connaissance des noms et qualités des personnes présentes à l’expertise et les noter dans son rapport.

Différentes personnes peuvent être présentes à l’expertise :

- avec la victime, la personne qui l’accompagne (proche ou non), le médecin qui l’assiste, son avocat, le représentant d’une association de victimes mandaté par cette victime, son assureur protection juridique.

- pour l’assureur ayant en charge l’indemnisation, le médecin qui assiste à l’  expertise à sa demande, l’avocat qui le représente, son inspecteur et/ou son chargé de règlement.

- et en cas d’expertise d’un mineur, les parents ou le représentant légal ainsi que pour une personne majeure protégée

Les doléances.

 Les doléances exprimées par la victime sont un moment privilégié, tant pour la victime que pour le médecin.

La victime doit être certaine qu’elle peut tout dire et que le médecin a bien entendu ses doléances, qu’elle a donc été écoutée mais également comprise. Il sera nécessaire de différencier dans le rapport d’expertise les doléances qui seront spontanément émises par la victime de celles que le médecin aura recueillies sur questions, en particulier sur la nature des douleurs ou des gênes, les conditions d’apparition de celles-ci, leurs localisations, leur périodicité…

Lorsque la victime a préparé un document écrit pour ne rien oublier lors de l’expertise, il convient de prendre connaissance de ce document avec la victime et de lui proposer de l’annexer au rapport d’expertise ; cette démarche doit, dans tous les cas, être complétée par l’écoute des doléances, ce document ne dispensant en aucune manière de cet aspect indispensable de l’expertise. L’écoute de l’entourage peut être utile à l’expertise en ce qu’il permet au médecin de recueillir des informations et des éléments que la victime n’aurait pas exprimés.

L’écoute de l’entourage est obligatoire lorsqu’il s’agit d’expertise d’enfants, de personnes âgées ou de handicaps graves, particulièrement de traumatisés crâniens.

L’examen clinique.

 L’examen clinique est l’un des piliers de l’expertise : il doit être réalisé de façon minutieuse et complète. Pour respecter la dignité et l’intimité de la personne examinée, la table d’examen doit être suffisamment isolée.

Il est d’usage que les personnes non médecins n’assistent pas à l’examen clinique, mais il peut arriver que la victime souhaite expressément que l’un de ses proches ou son avocat soit présent, auquel cas l’expert ne peut s’y opposer.

La discussion en fin d’expertise.

 Afin de respecter le principe du contradictoire, toute discussion en fin d’expertise se fera systématiquement avec toutes les parties présentes ou représentées. Si la victime n’est ni représentée, ni assistée (médecin, avocat,…), la discussion ne peut se faire qu’en sa présence.

Cette discussion permet de recueillir l’avis de la victime et également celui de toutes les parties en cause et des assistants techniques tant sur l’analyse des faits que sur l’évaluation du dommage. La discussion devra faire l’objet d’une synthèse pour être, en langage clair et précis, exposée à la victime afin de lui expliquer le contenu du rapport d’expertise et la nature des conclusions qui pourront être retenues. Toute explication utile doit être fournie sur les éléments ayant permis ou qui vont être utilisés pour l’évaluation des dommages.

En cas d’expertise conjointe, si un désaccord est survenu entre les médecins, il convient qu’il y ait une explication même si chaque rapport d’expertise donnera cette information au donneur de mission. En effet, il appartient aussi au médecin assistant la victime de procéder à cet aspect pédagogique qui est l’essence même de sa mission.

Il est souhaitable de rédiger un rapport commun : l’information en fin de rapport sur l’accord ou non sur les conclusions doit être donnée au donneur de mission par chacun des médecins présents celui assistant la victime d’une part, celui missionné par l’assureur d’autre part. La discussion et la conclusion du rapport devront faire l’objet d’une signature des deux médecins.

L’appel au sapiteur.

Lorsque le médecin  rencontre une difficulté sur la nature du traumatisme, sur les séquelles et leurs conséquences, sur leur origine, sur l’existence d’un état antérieur ou un problème d’imputabilité, il a alors la possibilité de demander l’avis d’un spécialiste. 

Il choisit  ce spécialiste, dans une spécialité différente de la sienne. Rappelons, cependant, que les opérations d’expertise du sapiteur doivent se dérouler dans les mêmes conditions de mission préalable et contradictoire.

Le rapport de ce sapiteur sera alors annexé au rapport d’expertise final.

APRÈS L’EXPERTISE

Conclusion.

Il s’agit là de l’envoi du rapport d’expertise, qui sera dans tous les cas adressé au donneur de mission, en respect des règles régissant le secret professionnel.

En cas d’accident, à l’exception de ceux relevant de la loi du 4 mars 2002, le médecin doit dans un délai de 20 jours à compter de l’examen médical, adresser un exemplaire    de   son rapport  à  l’assureur, à la victime et, le cas échéant, au médecin qui l’a assistée.

 

ANNEXE

Principe contradictoire

Résumé.

 Article 14 du NCPC : les parties ne peuvent être jugées sans avoir été entendues ou appelées.

Article 15 : principes de loyauté entre les parties tout au long des débats.

Article 16 : respect du contradictoire.

Article 17 : mesure prise à l’insu d’une partie.

Article 132 : obligation de communication réciproque des pièces.

Article 275 : remise à l’expert de tous documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Le juge peut tirer les conséquences du refus de production des documents.

Article 276 : prise en considération des observations ou réclamations des parties par l’expert.

C. cass. 2ème civ., 5 décembre 2002 (n° 01-10320) : l’expert doit soumettre la teneur de ces auditions et documents aux parties afin de leur permettre d’être à même d’en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport.

C. cass. 2ème civ., 15 mai 2003 (n° 01-12665) : l’expert doit, avant de déposer son rapport, provoquer un débat contradictoire sur les résultats des investigations techniques auxquelles il a procédé.

C. cass. 1ère civ., 8 juin 2004 (n° 01-11771) : un tiers non appelé ou représenté aux opérations d’expertise en qualité de partie ne peut pas se voir opposer le rapport d’expertise même s’il a assisté aux opérations d’expertise en qualité de sachant et qu’  il lui a été loisible de faire valoir toutes ses observations à l’expert judiciaire.

C. cass. 2ème civ., 18 juin 1997, (bull. 1997, II, n° 195 p. 115) : inopposabilité des rapports d’expertise lorsque la partie à laquelle on l’oppose n’a été ni représentée ni appelée aux opérations d’expertise.

C. cass. 2ème civ., 17 avril 2008 (n° 07-16824) : l’expertise, même ordonnée dans une autre instance, peut être prise en considération dès lors qu’elle a été régulièrement.

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  • : Patrick KLOEPFER
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